Démystifier la densification

Selon les projections de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), la demande en logements au Canada dépasse rapidement les taux de construction actuels. D’ici 2030, les scénarios projetés de la SCHL anticipent un déficit de 3,5 millions d’unités résidentielles, dont 860 000 unités au Québec.1 2 En nous basant sur un ratio de population, nous pouvons extrapoler un déficit prévu d’environ 400 000 unités dans la région métropolitaine de Montréal. L’annonce récente du potentiel de 35 000 nouvelles unités résidentielles combinées entre les développements futurs des quartiers de Bridge-Bonaventure et de l’ancien hippodrome Blue Bonnets est prometteuse, mais ne comblera pas le déficit seul.3 Nous pouvons présumer qu’il manquerait une dizaine de projets supplémentaires similaires à ceux de Bridge-Bonaventure et de Blue Bonnets combinés pour atteindre les cibles de la SCHL.

Cette crise du logement n’est pas un problème isolé; elle s’entrecroise avec une myriade de défis contemporains qui façonnent nos paysages urbains. La redéfinition postpandémique des centres-villes, la volatilité économique actuelle et l’impératif de lutter contre le changement climatique convergent tous, exigeant des solutions innovantes qui peuvent adresser simultanément plusieurs fronts. Parmi ces solutions, une densification de qualité adaptée à des contextes uniques émerge comme une voie prometteuse.

Cependant, la densification reste un sujet empreint de malentendus et de controverses politiques. Malgré son potentiel pour soulager la pénurie de logements, améliorer la durabilité urbaine et favoriser des communautés dynamiques, le discours public entourant la densification dévie souvent vers des débats politiques qui sont polarisés, créant des malentendus. Démystifier la densification ouvre la voie à explorer son potentiel en tant que moteur de changement positif, en façonnant une trajectoire vers des villes plus équitables, résilientes et agréables à vivre. Pour réussir dans le contexte actuel, il est essentiel de redéfinir la perception publique, d’adopter une approche de conception plus efficace et d’innover pour mettre en œuvre des stratégies de préfabrication.

Redéfinir la perception publique

La haute densité ne signifie pas nécessairement la congestion. De même, la faible densité ne signifie pas nécessairement une échelle humaine. Personne ne qualifie la fameuse avenue Rapp à Paris comme étant trop dense, malgré le fait qu’elle est à peu près trois fois plus dense que l’avenue Coloniale au Plateau à Montréal. Tout de même, personne ne qualifie le boulevard Taschereau à Brossard comme étant plus à l’échelle humaine que le Square Phillips malgré le fait que cette place soit entourée d’une vague de développements, notamment le 1 Square Phillips qui est la plus haute tour résidentielle à Montréal. En réalité, une densité bien conçue qui s’intègre dans le tissu urbain favorise des liens sociaux renforcés et réduit la dépendance à l’égard des voitures. La densification de qualité offre des opportunités pour une vie durable, en offrant une maximisation de places publiques et espaces de verdure ainsi que l’opportunité pour favoriser une communauté contemporaine.

Concevoir avec efficacité

La conception efficace est au cœur des efforts de densification réussis. En créant des aménagements qui maximisent l’utilisation de l’espace, les promoteurs peuvent optimiser l’utilisation des ressources foncières disponibles. Les étages supérieurs non seulement commandent une plus grande valeur, mais offrent également des opportunités pour des investissements accrus dans les espaces publics et une meilleure intégration avec le paysage urbain environnant. De plus, en tirant parti de la dimension verticale des bâtiments, on peut contribuer à l’accessibilité en vendant ou en louant des unités aux étages supérieurs à des prix plus élevés, ce qui subventionne le coût des unités aux étages inférieurs. Cette approche favorise non seulement la viabilité économique, mais facilite également la création d’environnements de vie de meilleure qualité qui privilégient l’accessibilité, la durabilité et le bien-être communautaire.

Adopter la préfabrication

Dans la quête d’un développement urbain efficace, les techniques de préfabrication et de construction modulaire émergent comme des solutions transformatrices. La préfabrication implique l’assemblage de composants de bâtiment hors site avant leur assemblage final sur le chantier de construction. Cette approche offre de nombreux avantages pour les projets de densification. La préfabrication prospère sur la répétition, permettant la production de masse de composants standardisés, ce qui garantit la cohérence, la qualité et des économies de coûts. Les façades en béton préfabriqué hors site illustrent cette efficacité, raccourcissant les délais de construction tout en minimisant les erreurs. Pour exploiter pleinement le potentiel de la préfabrication, pousser ses limites est essentiel. La préfabrication accélère non seulement la construction, mais améliore également la qualité en réduisant les erreurs et les déchets. En adoptant la préfabrication comme un pilier des efforts de densification, nous promettons une croissance durable, rentable et résiliente dans le paysage urbain et l’avenir.

La densification présente de nombreux avantages en réponse à nos défis actuels, tant sur le plan environnemental qu’économique. Elle représente également l’avenir pour nos centres-villes urbains, qui se trouvent actuellement dans une situation fragile. Cependant, la politisation du débat sur la densification entraîne une polarisation sur ce sujet. Plutôt que de se focaliser sur les extrêmes, il est essentiel de démystifier le sujet pour orienter la discussion vers une approche permettant de créer une densification de haute qualité qui s’intègre harmonieusement dans des contextes uniques. Une compréhension approfondie de ces nuances ouvrira la voie à l’élaboration d’une vision partagée, favorisant ainsi l’adoption d’une perspective commune sur l’avenir de la ville.

Veronica Lalli
Architecte, OAQ, PMP
ACDF Architecture
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1 SCHL. Estimations de l’offre de logements dont nous aurons besoin d’ici 2030. [En ligne], 13 septembre 2023.

2 SCHL. Pénurie de logements au Canada : Mise à jour sur la quantité de logements nécessaire d’ici 2030. [En ligne], 13 septembre 2023.

3 BERGERON, Maxime. « Déblocage en vue pour 35 000 logements ? », La Presse, [En ligne], 22 avril 2024.

 

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